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Formation Prises de positions

« Former les seuls hauts fonctionnaires n’est pas suffisant pour conduire la transition écologique »

Tribune parue dans Le Monde le 11 mai 2023.

Le 11 octobre 2022, le gouvernement a annoncé un plan de formation des hauts-fonctionnaires à la transition écologique, avec pour objectif la formation de 25 000 d’entre eux d’ici 2024, avant de généraliser celle-ci à l’ensemble des agents publics, toutes fonctions publiques confondues, à l’horizon 2027.

Les formations ont débuté à l’automne 2022 par un module « pilote », réservé à la fonction publique d’Etat, à savoir 220 directeurs d’administrations centrales. L’association « Une Fonction Publique pour la Transition Écologique » salue cette première initiative. Cependant, elle identifie des obstacles à la fois quantitatifs et qualitatifs, pouvant retarder voire mettre à mal la généralisation souhaitée par le gouvernement.

Former les seuls hauts-fonctionnaires n’est pas suffisant pour conduire la transition. Il est essentiel d’atteindre une masse critique d’agents formés pour faciliter la mise en œuvre des nombreuses stratégies et politiques sectorielles déjà existantes.

En outre, l’approche gouvernementale s’inscrit dans une tradition « du haut vers le bas », du « centre vers les territoires », bien française. Le gouvernement, conscient de ces limites, a choisi de lancer une expérimentation de formation à l’échelle régionale, en Auvergne-Rhône-Alpes. Une telle décision va dans le bon sens. Le niveau régional permettra non seulement de toucher plus d’agents, mais aussi de rendre la formation plus concrète et tournée vers l’action, car prenant en compte les spécificités géographiques, climatiques, institutionnelles et socio-économiques des territoires concernés.

Une approche davantage décentralisée, et ouverte aux trois fonctions publiques plutôt que réservée à celle de l’Etat, nous semble indispensable. La déclinaison régionale actuellement envisagée nous paraît insuffisante pour engager les territoires dans des changements systémiques qui nécessitent un dialogue et des avancées concertées entre acteurs publics d’un même espace, comme le soulignent les auteurs de L’Etat qu’il nous faut. Nous proposons d’envisager d’emblée une formation commune et mixte. Les auteurs de Covid-19, une crise organisationnelle ont mis en lumière que les territoires ayant le mieux réussi à gérer la pandémie sont ceux qui avaient déjà l’expérience des approches multi-acteurs et de la collaboration entre structures. Surmonter l’approche en silos si courante dans notre pays permettra de gagner en temps et en efficacité, et d’éviter blocages et erreurs. La formation à la transition écologique est une formidable opportunité pour renforcer durablement la collaboration entre acteurs publics.

L’amplification des formations pose aussi la question des besoins en formateurs. De nombreuses ressources, qui ne sont à ce jour pas pleinement répertoriées, existent sur tout le territoire national. Par exemple, le réseau des GREC (groupe régional d’expertise sur le climat), chercheurs se percevant comme des déclinaisons régionales du GIEC pour éclairer les décideurs. Des intervenants peuvent aussi être identifiés dans les universités, grandes écoles, notamment dans le domaine de l’agronomie, de l’eau et de l’environnement, les organismes de recherche nationaux et les UMR. Leur participation aux formations serait l’occasion de rapprocher l’action publique et ses praticiens d’une part, et la recherche publique d’autre part. Pour le volet de formation tourné vers « l’expérience terrain », on pourrait faire appel aux agences de l’eau, aux directions régionales de l´ADEME, aux DREAL, aux collectivités territoriales, aux agences régionales de la biodiversité, au CEREMA, aux conservatoires d’espaces naturels…

N’oublions pas que les formations ont pour cibles des agents publics, dont le rôle est d’élaborer et de mettre en œuvre des politiques publiques. Au côté d’intervenants issus du monde universitaire et de la recherche, des formateurs ayant une expérience directe du fonctionnement de l’administration devraient être préférés à des cabinets de conseil. L’identification d’un vivier d’agents compétents, volontaires, dotés d’aptitudes de transmission, serait une première étape pour rendre opérationnelles ces formations, et un point d’appui indispensable pour les étendre à un nombre plus important d’agents publics.

Ce vivier pourrait d’ailleurs être également mobilisé pour des actions de sensibilisation auprès d’un public large d’agents (pauses cafés thématiques, animation d’ateliers et fresques du climat, etc.). L’enjeu ici est bien celui de la transformation durable de l’action publique sur le long terme.

Afin de faciliter cette mobilisation des savoirs et compétences en région, le gouvernement peut s’appuyer sur les organismes publics de formation dont le savoir-faire est éprouvé : directions régionales du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), Cycle Supérieur du Développement Durable du Ministère de l’écologie, centres de formation ministériels, grandes écoles publiques et écoles de service public.

Pour garantir que ces formations ne se réduisent pas à une simple sensibilisation, qu’elles participent bien à la transition écologique des territoires et que leur déploiement ne se cantonne pas à des effets d’annonce, il nous semble indispensable d’évaluer les compétences acquises à l’issue de ces formations et de les valoriser dans le cursus des agents concernés. Les référentiels des différents métiers de la fonction publique doivent désormais intégrer les impératifs liés à la préservation de l’environnement.

L’accélération de ces formations et leur élargissement à l’ensemble des agents publics sont possibles, en multipliant leurs modalités et en s’appuyant sur l’ensemble des organismes et ressources existantes. La demande, les besoins et l’envie d’agir sont là.

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