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Prises de positions

“Chaque cabinet ministériel doit inclure une personne ayant des compétences avérées sur la transition socio-écologique”

Tribune publiée dans Acteurs publics le 13 janvier 2025.

Après la motion de censure du gouvernement Barnier à l’Assemblée Nationale et la nomination de François Bayrou à Matignon, notre pays se retrouve à nouveau dans le flou sur le cap politique qui sera suivi et ceci, dans un contexte national de crises sociale, économique et budgétaire, environnementale, sans compter les incertitudes aux niveaux européen et international. La nouvelle équipe ministérielle a été mise en place et une question centrale mérite d’être posée : comment garantir que les choix politiques futurs prennent en compte, à tous les niveaux, les impératifs écologiques et sociaux qui conditionnent notre avenir collectif ?

Nous avons malheureusement observé, depuis le mois de juin, un ralentissement préoccupant des efforts de transition écologique, lié à la période prolongée et répétée d’incertitude politique, aux réorganisations ministérielles récentes, aux interrogations persistantes concernant la stabilité des moyens alloués, dans le contexte budgétaire.

Les crises écologiques, au premier rang desquelles le changement climatique, sont une réalité qui doit être affrontée. La transition écologique n’est pas une option, l’action ne peut pas être repoussée, sous peine de devoir payer plus tard le coût de l’inaction: les impacts sanitaires, économiques, mais aussi sociopolitiques de ces crises sont désormais connus et déjà observables, avec un effet disproportionné sur les populations et territoires les plus vulnérables et l’accroissement des inégalités. Transition écologique et accompagnement social sont liés.

L’enjeu écologique : une clé pour résoudre les défis sociaux de demain

La transition écologique ne doit pas être perçue comme une contrainte supplémentaire, mais comme une véritable opportunité pour répondre aux défis sociaux à long terme. En négligeant l’urgence écologique, nous risquons d’aggraver les inégalités, notamment pour les ménages les plus modestes, qui sont déjà confrontés à des difficultés matérielles croissantes.

Une transition mal pilotée, ou ignorée, pourrait en effet amplifier les fractures sociales, en particulier à travers l’augmentation des coûts liés au changement climatique (sécheresses, inondations, etc.) et des dépenses contraignantes liées à l’énergie et aux transports. En revanche, une transition écologique pensée de manière juste et inclusive peut offrir une réelle réponse aux enjeux d’inégalités en réduisant la précarité énergétique, en diversifiant les opportunités professionnelles, en permettant un accès plus équitable à des modes de vie durables, en réduisant les fractures territoriales.

Ignorer cette dimension écologique aujourd’hui reviendrait à laisser les générations futures face à une double peine : la dégradation de leur environnement et des inégalités sociales accrues.

 « La dette écologique est aussi essentielle que la dette financière »

Cette affirmation de M. Barnier, le précédent Premier ministre, doit guider l’élaboration du Budget de l’État pour 2025. Les dépenses liées à la transition écologique doivent être à la hauteur des enjeux et correspondre aux lois votées précédemment.

Par ailleurs elles doivent permettre aux collectivités territoriales de financer les dépenses légitimement correspondant à leurs compétences, importantes en la matière.

Enfin les opérateurs de l’État doivent pouvoir disposer des moyens nécessaires à l’accomplissement des missions que ce même État leur a confiées, surtout quand, comme les Agences de l’eau, ils ne sont pas dépendants de financement de l’État et qu’ils appliquent déjà le concept « pollueur/payeur ».

Repenser la composition des cabinets ministériels

Il ne suffit plus de déclarer que la transition socio-écologique est une priorité. Elle doit être portée, incarnée et structurée dans l’appareil d’État. Pour cela, le futur gouvernement devra s’entourer de personnes capables d’intégrer ces enjeux de manière transversale, dans chaque ministère, et de les faire valoir au plus haut niveau de décision.

Les cabinets ministériels sont trop souvent composés de profils aux compétences fragmentées ou centrées sur des objectifs immédiats, tels que la recherche de “gains rapides” ou la gestion de la communication politique. Lorsqu’une expertise technique est présente, elle reste fréquemment inadaptée aux enjeux systémiques que nous affrontons aujourd’hui. Cette approche, focalisée sur des résultats visibles à court terme et excessivement centralisée, relègue les questions environnementales et sociales au second plan, les traitant comme des sujets périphériques. Un tel fonctionnement est désormais incompatible avec la complexité et l’urgence des crises actuelles.

Nous demandons que chaque cabinet ministériel inclue une personne ayant des compétences avérées sur les enjeux de la transition socio-écologique, occupant une position stratégique telle que directeur de cabinet adjoint. Cette présence garantirait que chaque arbitrage – qu’il concerne par exemple le budget, les infrastructures ou encore l’éducation – donne lieu à l’évaluation de son impact sur le respect des limites planétaires et la réduction des inégalités. Ce n’est pas une option ou un luxe : c’est une nécessité politique.

Un État exemplaire dans sa gestion de ses agents

L’État est le premier employeur de la nation et ses agents œuvrent pour l’intérêt général dont la transition écologique fait partie. Aussi les principes de gestion de la Fonction publique (trois versants) doivent intégrer tous les enjeux liés à la transition écologique, ce qui inclut les préoccupations sociales ; les conditions de travail doivent être compatibles avec les orientations nationales sur la transition écologique.

Une attention toute particulière doit être apportée aux modalités de développement des compétences pour que chaque agent public dispose des moyens d’élaborer et de mettre en œuvre les politiques publiques sur lesquelles il intervient en intégrant de manière systématique les enjeux de la transition écologique.

Une opportunité à ne pas laisser passer

Le nouveau gouvernement doit donc prendre un engagement fort : structurer son action autour des défis majeurs de ce siècle. Cela passe par des choix clairs dans le choix des ministres mais également dans la composition des cabinets ministériels.

L’inaction – ou simplement, le ralentissement des efforts – aurait des conséquences lourdes, en termes humains et financiers. Si la transition socio-écologique est, comme le Président de la République l’a souvent affirmé, un combat prioritaire, il est temps de le prouver. Les choix faits dans les jours qui viennent seront déterminants. Nous attendons des actes, pas des promesses.

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