Tribune publiée dans Acteurs publics le 30 octobre 2024.
Quatre collectifs de hauts fonctionnaires (Sens du Service Public, Le Lierre, Pour un Réveil Écologique et Une fonction publique pour la transition écologique) s’inquiètent de l’avenir de la formation des cadres de l’État à la transition écologique, et en particulier pour son déploiement à l’échelle de tous les agents. Dans cette tribune, leurs représentants rappellent son caractère indispensable tout en formulant des pistes pour rendre le programme plus pertinent.
En 2022, le ministre Stanislas Guérini a lancé un plan de formation généralisée à la transition écologique dans la fonction publique, à fin 2024 pour les 25 000 cadres supérieurs, et fin 2027 pour l’ensemble des agents. Acteurs publics révélait le 9 octobre que ces objectifs de formation ne seraient pas atteints, voire que la pérennité du projet de passage à l’échelle aux 2,5 millions d’agents publics était menacée. Luc Abbadie, président du groupe de scientifiques nommé par le précédent gouvernement, a ainsi exprimé son inquiétude au sujet du devenir de ce programme alors que le cabinet du nouveau ministre de la Fonction publique, de la Simplification et de la Transformation de l’action publique ne compte plus de conseiller dédié à la transition écologique.
Une formation décisive
En premier lieu, les agents publics participent à la mise en oeuvre de politiques publiques qui ont un impact sur la vie de nos concitoyens (l’empreinte carbone de chaque Français, correspondant aux services publics dont il bénéficie, est estimée à 1,4 tonne de CO 2 soit près de 20 % de ses émissions totales moyennes). Deuxièmement, ils représentent une part importante de la population active, avec 5,7 millions d’agents. Dans ce contexte, les cadres supérieurs de l’État ont une responsabilité particulière dans la prise de décision – singulièrement pour la bonne mise en oeuvre du plan de transformation écologique de l’État et de la planification écologique – raison pour laquelle ils participent à ces formations.
La priorité doit donc d’abord aller à la finalisation de la formation des cadres supérieurs de l’État et sa réalisation complète intégrant les dernières séquences, celles des visites de terrain et du passage à l’action. Des décisions de financement interministériel arbitrées en 2023 n’ont pas été respectées, laissant les services-formation des ministères en assurer la charge sur la base de leur budget usuel, ce qui a freiné voire bloqué l’achèvement de cette première vague. L’objectif de généralisation d’ici à 2027 devrait par ailleurs être réaffirmé par le ministre de la Fonction publique et préparé.
La généralisation de la formation en question
Plusieurs questions se posent dès lors qu’il s’agit d’organiser le nécessaire passage à l’échelle, multipliant la cible par un facteur 100 (de 25 000 à 2,5 millions). Une des préoccupations qui s’exprime porte sur le passage d’une formation 100 % présentielle à un dispositif surtout numérique. Pour l’appropriation et l’acceptabilité de la formation, et surtout pour aller jusqu’à transformer les comportements professionnels, conserver des temps présentiels sera indispensable. Des garanties doivent être offertes pour s’assurer que les agents pourront y assister et se les approprier.
Au-delà du format des sessions, il s’agira d’adopter des contenus plus diversifiés, adaptés aux cultures et aux métiers des différents ministères. La première phase dédiée aux cadres supérieurs de l’État a été déclinée de manière uniforme sur l’ensemble des ministères. Or, la formation doit permettre de développer des compétences professionnelles valorisables par la suite et adaptées à chaque métier. Le programme devrait donc viser l’acquisition de compétences requises par la transition écologique, plus que la transmission de savoirs académiques ou experts. Sur ce dernier point, la formation professionnelle continue appelle d’autres modalités d’acquisition des compétences qu’une approche universitaire. En outre, l’extension de la cible à tous les agents suppose une adaptation des contenus à des niveaux de qualification et d’expertise différents de ceux requis pour les premiers cadres formés.
Un vivier d’agents volontaires
Le financement d’un tel dispositif de formation relève des investissements indispensables à la transition écologique. Il faut en effet financer des intervenants externes ou compenser les agents volontaires pour animer des sessions de formation. Le nombre d’animateurs formés est important, mais devrait être largement augmenté pour assurer une réelle diffusion. C’est donc aussi par la formalisation d’une volonté politique forte, impliquant les différents ministères et chaque niveau hiérarchique, que cette formation pourra se déployer. Les moyens doivent être donnés aux agents de pouvoir être acteurs des formations, en leur dégageant du temps, en les encourageant financièrement et en valorisant les parcours de carrière et de promotion des volontaires. Elle pourra mobiliser des animateurs internes de l’État qui ont déjà été formés : on peut d’ailleurs noter que reculer sur le déploiement de la formation alors que l’État a investi dans la formation des animateurs internes serait une perte financière sèche, à regretter dans un contexte de restriction budgétaire.
La création d’une communauté permanente d’animateurs internes est ainsi l’une des conditions de réussite de ce projet, ce que l’Ademe souligne pour le monde des entreprises. Cela nécessite de soutenir et d’encourager cette communauté qui pourrait également disposer d’une capacité d’action formalisée avec du temps dégagé, dédié à l’animation des formations ou encore à des propositions d’actions au sein de l’administration.
Au bout du compte, c’est bien la question du passage à l’action après la formation qui sera centrale. C’est à cette aune que chacun pourra jauger les intentions de réorienter l’État vers la planification écologique, alors que les premiers arbitrages budgétaires présentés par le gouvernement nous préoccupent quant au niveau d’ambition écologique fixé et aux moyens accordés pour les atteindre.