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Prises de positions

« Intégrer les enjeux écologiques au cœur de la réforme de la fonction publique »

Tribune publiée le 23 février 2024 dans Acteurs publics.

Lors de son intervention, le 2 novembre dernier, devant la commission des lois de l’Assemblée Nationale, le ministre Stanislas Guerini a tracé les grandes lignes de la réforme de la Fonction publique qu’il souhaite présenter dans les prochains mois.

Dans un contexte où les défis écologiques se font de plus en plus pressants, la réforme de la fonction publique constitue une véritable opportunité d’intégrer pleinement les enjeux de la transition écologique dans les politiques du Gouvernement dont le ministre à la charge.

Le ministre Guerini a, depuis sa première nomination, déjà pris des mesures dans ce sens. En effet, il est actuellement chargé du programme gouvernemental de formation aux enjeux de la transition écologique qui vise à former 25 000 cadres supérieurs et dirigeants de l’Etat d’ici la fin 2024 avant d’être généralisé aux 2,5 millions d’agents publics de l’Etat d’ici 2027. Pourtant, son exposé sur les orientations de la réforme envisagée se borne à mentionner – en réponse à une question de l’une des membres de la commission – des mesures thématiques telles que celles relatives au bâti public, aux plans de sobriété et bien sûr à la formation, passant à côté de la vision globale et des transformations systémiques qui seraient pertinentes.

Au regard des avancées de la recherche sur le sujet,  il nous semble impératif de redéfinir les champs d’application et des fondamentaux du Code Général de la Fonction Publique pour y ancrer des principes de durabilité. Cette initiative permettrait d’orienter de manière concrète toutes les actions et décisions pour faire de la transition écologique une priorité à tous les niveaux de l’administration.

Trop souvent, d’après les enquêtes d’opinion, les agents publics constatent un décalage entre les prescriptions légales et réglementaires et l’engagement de leur administration à les appliquer, ainsi que le confirme l’enquête réalisée par notre association fin 2023 (analyse disponible sur le site fpte.fr).  La mission des agents de la Fonction publique doit évoluer pour intégrer pleinement la responsabilité environnementale et en faire les acteurs de la transition écologique telle qu’organisée par nos lois et règlements. Ce n’est que s’ils sont formés tout au long de leur carrière à la prise en compte des enjeux environnementaux et de durabilité dans leurs pratiques professionnelles, qu’ils pourront intégrer pleinement ces enjeux dans les politiques publiques qu’ils conçoivent, élaborent et mettent en œuvre.

Le dialogue social au sein de la Fonction publique devrait également être un vecteur d’appropriation et de traitement des enjeux de la transition écologique. La loi « climat et résilience » d’août 2021 a élargi la compétence des instances de dialogue social du secteur privé pour y intégrer les questions environnementales. Les instances de dialogue du secteur public devraient a minima connaître une évolution semblable de leurs compétences.  La formation des représentants des agents et la présence d’experts des enjeux de la transition écologique au sein des instances de dialogue social serait crucial pour développer des initiatives concrètes pour que l’organisation, les conditions et le temps de travail soient adaptés aux enjeux actuels.

Le processus de recrutement doit évoluer, en prenant en compte l’aptitude des candidats à répondre aux enjeux de la transition écologique. Cela suppose d’intégrer ces enjeux aux référentiels nationaux des métiers, présents et futurs, et des compétences ainsi que dans les épreuves de concours d’accès à la fonction publique.

Dans une situation de perte d’attractivité de la fonction publique, l’intégration des enjeux écologiques à la réforme répondra aux aspirations de nombre d’agents, toute génération confondue, et contribuera à redonner du sens à un engagement dans une carrière publique.

Ce qui vaut pour les agents nouvellement recrutés doit aussi être appliqué aux agents déjà en place. L’effort de formation doit être réellement systématisé, et impliquer les agents de catégories B et C qui sont les plus nombreux dans les trois fonctions publiques : la transition écologique ne peut pas être une injonction venue d’en haut, elle doit être comprise, partagée et mise en œuvre par tous, quelle que soit leur place dans la hiérarchie.

La gestion des ressources humaines dans la fonction publique doit être réorientée pour intégrer des critères de durabilité : politiques de mobilité durable, réduction des déplacements professionnels, encouragement au télétravail… La réforme doit faciliter le développement de services publics de proximité (maisons France Services), indispensable pour réduire les inégalités d’accès des usagers au service public. De telles mesures non seulement diminueraient l’empreinte écologique mais favoriseraient également un meilleur service public et un meilleur équilibre de vie pour les agents.

La reconnaissance et la valorisation de l’engagement des agents peut devenir un puissant levier de la transition écologique. Celle-ci devrait devenir une partie intégrante des parcours professionnels.

Enfin, la santé et la sécurité au travail doivent intégrer des dimensions écologiques, en tenant compte des aspects de santé environnementale dans les politiques de prévention et en renforçant les mesures de sécurité liées aux nouveaux risques environnementaux.

La réforme de la fonction publique représente donc une chance inédite de redéfinir le service public en le rendant plus efficace, moderne et respectueux de l’environnement. Elle doit aller au-delà d’ajustements superficiels et exiger un engagement fort à tous les niveaux de l’administration, un investissement dans la formation et une volonté de repenser les pratiques managériales existantes. C’est un défi majeur et une opportunité de construire une administration publique résiliente, adaptée aux défis du XXIe siècle.

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